jeudi 18 janvier 2007

Trafic illimité = méfiance ?

Les hébergeurs sont de plus en plus nombreux à proposer du trafic illimité, quand on sait que le transit IP (la connectivité vers Internet) est la charge la plus lourde pour les hébergeurs, nous sommes en droit de nous poser quelques questions.

Pour bien comprendre de quoi on parle quand il s’agit de connectivité vers Internet (« trafic IP » ou encore « bande passante ») nous devons comprendre comment fonctionne Internet et le jeu des échanges entre opérateurs réseau. C’est ce que je me propose de vous expliquer ici.

Tout d'abord il faut comprendre que le service principal que vous offre un hébergeur est de vous procurer un espace disque sur un serveur qui doit être connecté au réseau Internet 100% du temps. En comparaison avec un opérateur ADSL par exemple, l'hébergeur doit pouvoir s'engager sur le niveau de disponibilité de son réseau. A ce titre, il est plus sage de considerer comme valables le chiffres apportés par un tiers de confiance (une société spécialisée dans la mesure de disponibilité des hébergeurs comme IP LABEL par exemple, www.ip-label.net) plutôt que d'accepter les chiffres fournis par l'hébergeur lui même.

Pour qu'un hébergeur puisse garantir une disponibilité proche de 100% il lui faut acheter des liens redondants vers Internet chez les grands opérateurs (France Télécom, COGENT, Neuf Cégétel, MFN ...)
L'hébergeur utilise ensuite un protocole de routage appelé BGP4 qui va aggréger tous ces liens.
Le protocole BGP4 est capable de contourner automatiquement un opérateur défaillant et de choisir la route la plus rapide entre deux points du réseau. Il est donc majoritairement employé aujourd'hui par les hébergeurs.
Sachez que les grands opérateurs réseau sont aussi en BGP4.
Le nerf de la guerre dans le metier d'hébergeur est le trafic IP, c'est à dire le nombre de Mbps souscrits auprès des opérateurs. Le trafic IP représente une des plus fortes charge financière pour l'hébergeur. Pourtant certains hébergeurs prétendent vendre du trafic illimité pour quelques euros par mois, ou est l'embrouille ?
En fait c'est assez simple, il existe plusieurs procédés peu scrupuleux pour faire des économies sur le trafic IP. Je vais essayer de vous les résumer.
1 - L'Overbooking : Il s'agit simplement de vendre beaucoup plus de transit IP aux clients que ce que l'hébergeur dispose réellement. Cette méthode résulte d'un constat simple qui est que les clients ne consomment pas toujours 100% du transit IP qu'ils ont souscrit.
Problème pour le client : les lignes de l'hébergeur peuvent être facilement saturées si un certain nombre de clients se mettent tout à coup à consommer, ce qui arrive souvent bien sur.
Peu d'hébergeurs proposent et garantissent un principe de "non-overbooking"qui les obligent par exemple à souscrire 50% de transit IP en plus de ce qu'ils consomment vraiment par sécurité.
2 - Les opérateurs réseau "discount" : Dans ce cas l'hébergeur utilise simplement des opérateurs réseau spécialisés dans le transit IP pas cher. Il en existe beaucoup et il faut les connaitres. Je ne peux hélas les citer ici mais il vous sera facile de les trouver en regardant simplement quels opérateurs utilisent les hébergeurs pas cher.
Je peux en revanche citer les opérateurs de très bonne qualité, dont le prix du transit IP est souvent 10 à 20 fois plus cher que les autres opérateurs, il s'agit notamment de France Télécom, de Neuf Cégétel et de Deutsch Télécom par exemple.
3 - Les points de peering gratuits : Dans ce cas, le plus courant, l'hébergeur utilise des plateformes d'échange de transit IP, c'est à dire que tous ceux qui le souhaitent peuvent s'interconnecter entre eux. C'est une bonne idée au départ mais il faut savoir que la qualité du réseau n'est pas garantie, d'autant que les grands opérateurs (comme France Télécom) ont tendance à bouder ces noeuds d'échange. Le résultat c'est que pour atteindre un client qui est chez France Télécom (ils sont majoritaires) vous aller devoir passer par une multitude de sous réseaux au lieu d'avoir un chemin direct.
Je m'explique ; si votre hébergeur dispose d'un opérateur sérieux comme NEUF CEGETEL par exemple, pour que le réseau de l'hébergeur atteigne un client chez FRANCE TELECOM il n'y a pas de problème car NEUF TELECOM et FRANCE TELECOM sont connectés entre eux par de très gros tuyaux (on parle d'accord de peering).
Par contre si votre hébergeur utilise principalement un point d'échange gratuit (comme le FREEX à Paris par exemple) pour que le réseau de l'hébergeur atteigne un client chez FRANCE TELECOM il faut qu'il trouve un sous réseau (un autre opérateur connecté aussi sur le FREEX) qui dispose d'une connexion fiable vers FRANCE TELECOM.
Vous comprendrez pourquoi, en régle générale, les points d'échanges ne peuvent pas s'engager sur la qualité du transit IP qu'ils délivrent.

Imaginez maintenant un hébergeur Web qui cumule plusieurs des points cités ci-dessus !
Overbooking + opérateur pas cher + connexions sur les points d'échanges gratuits.
Vous obtenez alors un hébergeur capable de fournir du transit IP (bande passante) à des tarifs défiants toutes concurrence. Mais bien entendu la qualité n'est pas garantie.

Pour résumer, un hébergeur qui propose réellement de la connectivité vers Internet de qualité doit pouvoir s'engager sur les points suivants :
- N'utiliser que des opérateurs de haute qualité (sauf éventuellement pour les lignes de secours)
- Ne pas utiliser de points de peering (points d'échange)
- Ne pas utiliser la régle d'overbooking, c'est à dire souscrire toujours au moins 1/3 de plus de bande passante que ce qu'il consomme réellement

Il doit en outre être capable de proposer un contrat qui prend en compte non seulement la disponibilité réseau mais aussi le principe de non-overbooking et les temps d'accès (moins de 32 ms pour la France par exemple).

Le magazine PC EXPERT du mois de janvier 2007 souligne aussi un comportement proche de la publicité mensongère (d'après PC EXPERT) en analysant une offre d'un hébergeur bien connu en France puisqu'il s'agit de la société AMEN. Je vous invite à lire cet article très intéressant où il est question d'une méthode commerciale peu scrupuleuse. Il s'agit de prétendre qu'un pack d'hébergement dispose d'un trafic illimité et de noter en tout petit dans le contrat que si le client dépasse un certain nombre de connexions par seconde il sera tout simplement coupé !
Cette mésaventure est arrivée malheureusement à beaucoup de gens et ce chez pas mal d'hébergeurs "discount".

Pour information, je suis formateur Internet et je suis donc confronté sans cesse aux problèmatiques d'hébergement Web que rencontrent mes stagiaires.

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